LES INTENTIONS ET LES ŒUVRES D’ART (1re partie) – NECT’ART – Avril 2014

LES INTENTIONS ET LES ŒUVRES D’ART (1re partie)

INTENTIONS DE L’ARTISTE

J’ai eu dernièrement à côtoyer une soixantaine de nouveaux collègues artistes. Nous avons eu à trouver rapidement des solutions pour rétablir une situation que nous déplorions tous. Dans le feu de l’action, j’ai pris une pause pour regarder le monde dont je faisais partie. J’ai pu apercevoir toute la beauté de ce groupe de créateurs. J’y ai perçu de l’intensité, de l’émotivité, de la créativité, de l’originalité, de la générosité, de l’intelligence, pour ne nommer que ces caractéristiques-là. Ce qui nous a réunis dans cette situation problématique, à mon avis, c’est notre grand désir de partager avec le spectateur le fruit du travail réalisé, d’exposer l’œuvre finale. Pourquoi donc vouloir tant partager et montrer notre travail ? Eh bien, pour en vivre, pour vendre et ainsi faire place à de nouvelles œuvres, pour le plaisir de discuter avec le spectateur, pour aller encore plus loin dans notre création, notre recherche, pour avancer, continuer, vivre !

À la suite de cette expérience, je constate entre autres, et c’est un fait établi, que peu d’artistes roulent sur l’or. Pourtant, la majorité de ceux que j’ai rencontrés, l’air satisfait, persévèrent depuis des années. Le besoin de créer est plus fort que les difficultés encourues et les conditions de vie précaires. Il semble bien que ce que l’on cherche à transposer dans une réalisation artistique impose sa présence, son existence.

Le docteur en science cognitive et illustrateur Alessandro Pignocchi nous dit que l’œuvre est le fruit des intentions de l’artiste. Dans son livre L’œuvre d’art et ses intentions, l’auteur affirme que « les propriétés de l’œuvre restent néanmoins des effets des états mentaux de l’artiste[1] ». C’est à se demander si l’artiste n’a pas davantage d’activités à ce niveau, mais ceci est un autre débat !

Il est évident que la présence d’effets des états mentaux ne signifie pas nécessairement qu’il y ait objet d’art. Et, bien sûr, tout n’est pas art ! Mon but ici, vous l’aurez compris, n’est pas de définir les normes de l’art. Et de ce fait, suite à ces lectures, je me suis demandé quelles étaient les conditions fondamentales pour qu’il y ait art. J’en suis venue simplement à la conclusion, que pour qu’on puisse qualifier une œuvre d’artistique, il devait obligatoirement y avoir un être humain qui agit avec l’intention de créer une œuvre. Peindre un mur de gypse en blanc dans mon appartement ne relève pas de l’art, mais appartient à une toute autre catégorie d’activité. De même que certaines espèces d’oiseaux, dans la famille des oiseaux à berceau, réaliseront un nid digne d’une œuvre d’art : si on tient compte des couleurs, des objets utilisés et de l’architecture du nid. Par contre, l’intention de cet animal est d’attirer la femelle. S’il fallait que nous réalisions nos œuvres dans le but d’attirer l’autre sexe, imaginez le nombre d’œuvres que nous produirions ! Pignocchi se positionne ainsi et nomme art « ce que nous considérons spontanément comme de l’art, c’est-à-dire, […] les artefacts résultant d’une démarche qui présente certains liens avec des fonctions portées par des objets déjà largement considérés comme des œuvres d’art[2][i] ».

Les intentions sont indissociables de l’art. Nous créons une œuvre en étant conscients et dans l’intention de réaliser un objet d’art. Quelles sont donc les intentions spécifiques derrière ces œuvres d’art ? Quelle est la source à laquelle s’abreuve l’artiste ? Que veut-il dire ? Qu’est-ce qui l’incite à dire, à faire ainsi ?

Pour Pignocchi, l’intention de l’artiste « regroupera tous les états mentaux – les idées, les émotions, les intuitions, les traits de caractère, etc. – qui ont pu jouer un rôle causal dans la production de l’œuvre[3] ». Pour étudier la relation avec l’œuvre d’art, il élabore le modèle intentionnel. Il y classe en deux catégories les intentions de l’artiste; d’abord les intentions à l’origine de la création de l’œuvre et ensuite les intentions transmises publiquement par l’artiste. Force est de constater qu’il n’est pas aisé de saisir et de décrire les intentions associées à une œuvre. Dans ce sens, on peut souligner que l’exactitude des intentions que révèle l’artiste s’avère difficile à vérifier. Celui-ci est libre de garder pour lui des informations en lien avec sa démarche, parce que trop intime ou encore trop complexe. De plus, les sciences de la cognition démontrent que lors de l’étude d’un sujet, il serait plus facile pour un observateur de déterminer et de rendre compte des facteurs causaux. L’artiste, dans une démarche de création, ne serait pas le seul et ni le mieux positionné pour déterminer les effets de ces facteurs psychologiques dans sa création. Le scientifique nous dit à ce sujet que « la démarche d’un artiste est un processus […] façonné par une foule de facteurs causaux dont beaucoup sont partiellement ou complètement inconscients et/ou impossibles, par leur nature même, à cerner par une description verbale explicite[4] ».

À la lumière de ces informations, bien que je sois ouverte à l’avis d’un observateur en matière d’art, je considère depuis toujours l’artiste comme le premier spectateur de son travail. En ce sens il serait d’autant plus intéressant d’aller voir du côté de la perception du spectateur en matière d’intentions de l’artiste.

[1] PIGNOCCHI, Alessandro. L’Œuvre d’art et ses intentions, Paris, Odile Jacob, 2012.

[2] L’Œuvre d’art et ses intentions…op. cit.,  p. 102.

[3] L’Œuvre d’art et ses intentions…op. cit.,  p. 118.

[4] L’Œuvre d’art et ses intentions…op. cit.,  p. 128.

Fin de la 1re partie

 

Annie Gauthier

www.anniegauthierart.wordpress.com

www.anniegauthier.net

 

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